Histoires d'Eau à Saint-Jean-de-Braye




Il n'y a pas besoin d'aller bien loin d'Orléans pour trouver une collectivité qui a décidé, suite à une mobilisation citoyenne active, de créer une régie publique de l'eau. En effet, après une gestion privée effectuée par la Lyonnaise des Eaux puis par la SAUR, la Ville de Saint-Jean-de-Braye a décidé en octobre 2010 qu'elle gèrerait elle-même son eau à partir du 1er janvier 2012.

Voici qu'en a écrit l'ACA (Alternative Citoyenne Abraysienne, à l'origine de la mobilisation des Abraysiens pour la création d'une régie de l'eau) en 2012:




En 2008, quand l'Alternative Citoyenne Abraysienne (ACA) a entamé sa campagne pour un retour en Régie Publique de l'Eau, la SAUR assurait la production et la distribution de l'eau potable de Saint Jean de Braye depuis 1999.
Paradoxalement nous ne connaissions rien ou presque sur l'eau.

1)   Nous nous sommes donc formés
(Internet, associations locales ou nationales, "spécialistes" en tout genre)
* pour comprendre d'où venait l'eau que nous consommions (les captages,  les aquifères et plus particulièrement ceux de la nappe de Beauce)
* pour comprendre l'augmentation des taux de nitrates et de pesticides dans des secteurs urbanisés depuis longtemps
* pour analyser et comprendre les documents que nous nous étions procurés, dont le rapport du délégataire
* pour essayer d'y voir clair dans le Compte Annuel de Résultat de l'Exploitation (C.A.R.E.) que nous avons eu beaucoup de mal à obtenir.
* pour comprendre comment "fonctionnait" un service de l'eau etc. etc.

Cette formation et les combats qui ont suivi nous ont changés. L'eau c'est bien plus qu'un enjeu local et quand on s'y intéresse on est rapidement confronté aux dérives d'un système basé sur le profit à tout prix. L'eau, ça peut être le combat d'une vie!
Pour en revenir à Saint Jean de Braye nous avons rapidement décidé de cibler le délégataire…
* en dénonçant haut et fort les hausses de tarif (2 fois en moyenne le coût de la vie)
* en exigeant des explications sur le C.A.R.E. et son opacité sur les charges (personnel, sous-traitance, frais de siège, amortissement du matériel)

...puis de cibler la Mairie
* parce que c'est elle qui avait choisi la DSP et qu'elle était responsable des conséquences du contrat qu'elle avait signé et parce qu'elle pouvait y mettre fin
* parce qu'elle contrôlait trop peu le délégataire
* parce que les déclarations du Maire sur la SAUR étaient inquiétantes: "la SAUR permet de décharger le maire de ses responsabilités" et "avec elle on n'est pas emmerdé…"

2)   La campagne pour le retour en régie publique
Demande de l'ACA à faire partie de la CCSPL, réponse négative du Maire

Janvier à Avril 2009, le vrai départ "sur le terrain" (marché, tractage, soirée-débat "l'eau, un bien commun à préserver")
Avril 2009, le Maire au cours d'une rencontre avec ATTAC se montre très réservé quant à un retour en Régie Publique de l'eau.

Mai et juin 2009, lancement de la campagne "La SAUR nous essore" avec conférence de presse (beaucoup de journalistes se sont déplacés, le titre de notre campagne leur a plu), tractage, projection du film "Eau, service public à vendre" suivi d'un débat avec Jean-Luc Touly (Président de l'ACME), pétition pour la remunicipalisation de l'eau à Saint Jean de Braye et pour que les usagers soient pleinement associés à sa gestion.

Septembre 2009 à mars 2010, la collecte de signatures qui s'est étalée sur plusieurs mois nous a conduits à un travail en profondeur. Outre le prix élevé, il est apparu que beaucoup d'usagers se plaignaient de la qualité de l'eau, de sa dureté, du manque de pression dans les étages.., que d'autres avaient des contacts très dégradés avec la SAUR qui ne voulait rien entendre à leurs doléances.
Pendant cette période nous avons fait du porte à porte, rencontré les Abraysiens sur le marché et dans les lieux fréquentés de la commune et avons effectué deux campagnes d'affichage. Nous avons écrit aux associations environnementales, de consommateurs et aux partis pour leur demander leur "positionnement" sur la remunicipalisation, nous avons organisé une nouvelle conférence de presse et accru constamment la pression sur les élus (la majorité municipale est composée d'élus PS et apparentés.. et d'un élu Vert) et c'était d'autant plus facile qu'un fort mécontentement des Abraysiens se faisait jour.

Avril 2010, le Maire annonce qu'il demande à un cabinet indépendant une Assistance à Maîtrise d'Ouvrage pour le choix du mode de gestion de l'eau (affermage, régie publique municipale ou intercommunalité) avec "projection" sur 10 ans de chacun de ces modes de gestion pour voir ce que ça coûterait à la collectivité.
Nous nous renseignons sur le Cabinet choisi (Bert consultant) et là, c'est une bonne surprise, c'est un cabinet qui fait autorité dans ce genre de travail.   
Nous craignons malgré tout la manipulation: le travail des experts pouvant masquer le manque de volonté politique de la Mairie à retourner en régie. Nous décidons donc de continuer notre combat.

Nos rapports avec le Maire sont loin d'être simples car il veut gérer sa commune dans un climat apaisé quitte à tronquer le débat public. Il fait donc tout ce qu'il peut pour nous faire "disparaître" du paysage politique local.

Mai 2010, nous invitons les signataires de la pétition à un apéro citoyen devant la Mairie, puis nous organisons avec eux un chahut de quelques minutes (chansons, confettis,..) en plein conseil Municipal avant de remettre au Maire les 976 signatures que nous avons récoltées. Nous avons une grosse couverture dans la presse à la suite de cette intrusion.
Cette action n'a pas arrangé nos rapports avec la Mairie mais elle nous a paradoxalement donné un impact que nous n'arrivions pas à avoir avec le seul travail. Nous avons pu exposer en détail nos conceptions, nos valeurs, expliquer nos combats…   
   Nous n'avions pas anticipé cet impact, notre seule motivation était en effet de rappeler aux élus que nous étions toujours actifs et que la lutte pour un retour en régie publique était plus que jamais d'actualité.

Au cours des Rencontres Saranaises, la Ville de Saran, Attac et l'ACA  projettent de créer un groupe eau sur l'Agglo. C'est le départ de ce qui deviendra "Eau-Secours 45".

Juin 2010, la Mairie devant se prononcer en octobre sur le futur mode de gestion de la production et de la distribution de l'eau, nous décidons d'organiser "un gros truc" courant septembre pour maintenir la pression sur les élus. Nous obtenons la venue de Danielle Mitterrand accompagnée d'Emmanuel Poilane (France Libertés) et de Jean-Luc Touly, tout ça à Saint Jean de Braye, pour le 29 septembre.

Juillet et Août 2010, après le refus de la Mairie de nous allouer la salle des fêtes sous un prétexte vraiment futile et suite à une proposition de la Ville de Saran nous décidons d'accueillir Madame Mitterrand à Saran.

Septembre 2010, la venue de Danielle Mitterrand fédère les énergies et ce n'est plus l'ACA seule qui organise cette journée du 29 septembre mais ce sont des élus PC et Verts d'Orléans, Eau-Secours (dont c'est la première apparition officielle) et la ville de Saran.
Le 24 septembre le Maire de Saint Jean de Braye annonce qu'il proposera de voter en octobre le retour à une régie municipale de l'eau. La peur du ridicule a-t-elle précipité la date de cette annonce? Quoi qu'il en soit, c'est une excellente nouvelle. La droite annonce qu'elle votera contre.
Le 29 septembre Danielle Mitterrand, hospitalisée à Paris suite à une chute, ne participe pas à cette grande journée sur l'eau. Moins de public et de presse que prévu mais soirée très réussie à Saran.

Octobre 2010, la majorité municipale décide de créer une régie à autonomie financière à partir du 1er Janvier 2012. Nous nous réjouissons de ce choix; l'émergence d'un débat citoyen sur l'Eau, totalement absent auparavant, a, semble-t-il, fini par balayer les réticences de la Mairie.   
Pour l'ACA, le passage en régie n'est pas une fin en soi. Les usagers doivent être partie prenante des décisions qui les concernent directement.

Décembre 2010 à mai 2011, Aquafiesta avec les usagers… puis Cantonales et quasi implosion de l'ACA qui a présenté un candidat et qui s'est pris une grosse claque.
Suite à son départ de l'ACA, le Maire propose à Eric d'être l'un des deux représentants des usagers au conseil d'exploitation de la Régie.
En effet le choix d'une régie à autonomie financière impose à la collectivité la création d'un "conseil de l'eau", instance consultative pour tout ce qui "touche à l'eau".
L'opposition ayant refusé de siéger à ce conseil (puisqu'elle refuse la future régie..) il est ainsi constitué: 5 élus, tous issus de la majorité municipale, et 2 représentants des Usagers (cooptés par le Maire).
Eric accepte la proposition qui permet un accès direct aux informations et pour ne pas se trouver seul (situation absurde où les représentants des usagers ne représentent qu'eux-mêmes), il réintègre l'ACA.

3) La future Régie
Juin à décembre 2011
1)   Conseil de l'eau:
Installer le Conseil et la Régie (règlement du service, personnel, locaux..) Réfléchir sur le mode de paiement, le tarif de l'eau, la plaquette d'information, la création d'un portail de l'eau sur le site de la Mairie.

2)   ACA:
Pour parler du rôle des usagers dans une régie, l'ACA et les groupes Eau d'Olivet et de Fleury accueillent, le 23 novembre à Saint Jean de Braye, Gabriel Amard (Président du conseil d'exploitation de la régie publique Eau des Lacs de l'Essonne), Jean Luc Touly et Patrick du Fau de Lamothe (expert pour les contrats de services publics). Au cours de cette soirée une part importante des discussions est consacrée à "l'arrêt Olivet".  Des élus de communes voisines directement concernées par cet arrêt réclament alors des "outils" pour rendre plus accessible le retour en régie.

4) La Régie de l'eau
A partir du 1er Janvier 2012
1)   Conseil de l'eau:
En amont du Conseil Municipal qui prend les décisions, le conseil de l'eau étudie et se prononce sur les contrats de prestation, l'activité du service, le recrutement de personnel, les travaux, la gestion... sans oublier les projets.
2)   La régie:
6 personnes dont 3 fontainiers recrutées dans un premier temps mais, compte tenu du travail sur le terrain, un 4è fontainier est recruté en septembre.
Le service de l'Eau reçoit un grand nombre d'appels téléphoniques et beaucoup de courrier suite aux dernières factures de la SAUR.

3)   Constats du Service de l'eau
Le constat peut sembler à charge mais tout peut être vérifié sur le site de la Mairie ou dans la presse locale.
Le réseau n'est pas en bon état, beaucoup de casse et de fuites dues à un manque d'entretien. Même la cuve d'un des trois châteaux d'eau a des fuites importantes sans oublier l'une des deux pompes exhaures qui est défectueuse et les compteurs de plus de 13 ans qui auraient dû être changés avant 2012.
La SAUR n'a pas de connaissance réelle de l'état du réseau qu'elle était chargée d'entretenir depuis 1999. Tout laisse à penser qu'elle n'intervenait qu'en cas de fuite détectée.
Beaucoup d'erreurs dans les derniers relevés effectués par la SAUR.

4)   La SAUR nous essore.. encore..
En avril 2012 les Abraysiens ont reçu en solde de tout compte leur dernière facture émise par la SAUR. Mais 20% d'entre eux ont eu la mauvaise surprise de découvrir qu'ils avaient subi une surévaluation de leur consommation avec parfois des sommes délirantes à régler.
Face à la colère des usagers et à la pression de la Mairie, la SAUR s'était finalement engagée à prendre en compte les demandes des personnes qui se sentaient lésées. Or elle a pratiqué l'arbitraire le plus total, menaçant de contentieux une partie des Abraysiens mécontents et même de leur couper l'eau (comment pouvait-elle le faire?) alors qu'elle rééditait des factures conformes à la réalité pour d'autres.
Des usagers et l'ACA ont alors proposé d'organiser un rassemblement un samedi matin devant le siège social de la SAUR pour renégocier collectivement les factures contestées et pour obtenir enfin des explications sur les dérives de ses services. Parallèlement la Mairie a été incitée à agir une nouvelle fois. Mais celle-ci, considérant que l'affaire était en voie de règlement, a refusé d'intervenir, acceptant ainsi de léser son propre service de l'eau puisque l’excédent encaissé par la Saur c'était autant de moins pour la Régie.
Le jour du rassemblement les locaux de la Saur étaient fermés.
Est-ce la détermination des Abraysiens à ne rien lâcher et à demander des comptes à leurs élus, la crainte d'une situation de plus en plus ubuesque, le poids de la presse?.. mais la Mairie a fini par agir et la SAUR a remboursé aux usagers les trop-perçus.

5)   Les projets de la Mairie
Les tarifs de l'eau n'ont pas diminué lorsque la Régie a été créée. L'idée c'est d'utiliser le solde (la Régie est moins chère que le privé, cette année par exemple le service de l'eau devrait dégager un solde de 150 000€)
- pour effectuer un deuxième forage, la production d'eau potable ne reposant actuellement que sur un forage
- pour créer une unité de décarbonatation l'eau de Saint Jean de Braye étant très dure.
Sans changer le montant total des recettes un travail sur la refonte des tarifs de l'eau est prévu en 2013.

6)   Nos réflexions actuelles   
La place de l'usager, la démocratie locale
La suppression de l'abonnement,
Un tarif progressif de l'eau?
La protection de la Ressource (périmètre de protection, abandon des pesticides...)
Le retraitement des eaux usées (compétence de l'AGGLO), son coût, le manque total de transparence dans les choix qui ont été opérés…






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